Exiger des experts médicaux compétents et indépendants, c’est protéger les justiciables et l’institution judiciaire toute entière, rappelle l’Académie nationale de Médecine dans son rapport du 18 octobre. Avec 20.000 déclarations « d’insatisfaction » auprès des assureurs, 5.000 à 6.000 affaires en référé sur 400 millions d’actes médicaux et seulement quelques centaines de dossiers répondant aux critères d’indemnisation des commissions de conciliation et d'indemnisation (CRCI), l’insatisfaction des usagers est manifeste depuis quelques années. L’Académie nationale de Médecine s’est donc posé la question de la compétence scientifique et technique des experts et de la qualité des expertises en responsabilité médicale et émet donc ses recommandations.
En France, chaque année, sur les 3.000 à 3.500 dossiers reçus par les CRCI, seuls 18 à 20% répondent aux critères d'indemnisation au titre de l'aléa médical conformément à la loi du 4 mars 2002. Il n'y a demande de contre-expertise que dans environ 10% des dossiers de responsabilité d'un professionnel de santé, établissement de soins ou producteur d'un produit de santé, soit dans 2% des dossiers initialement ouverts en contentieux civil.
Les conditions d'une « bonne » expertise : L'Académie rappelle deux objectifs dans le choix d'un expert,
· l'expert est bien listé – sur quels critères peut-on évaluer et sélectionner des experts médecins compétents dans leur spécialité ?
· L'expert est bien choisi – comment peut-on atteindre la meilleure adéquation scientifique et technique entre la compétence de l'expert et l'objet de sa mission ?
Car la mission de l'expert médecin en responsabilité médicale le conduit à donner un avis sur l'action d'un de ses pairs.
L'insatisfaction manifestée depuis quelques années vis-à-vis des experts dans le domaine médico-juridique implique d'améliorer les modes d'évaluation des experts et la qualité scientifique et technique des expertises dont on sait qu'elles peuvent avoir des conséquences décisives sur le jugement final.
L'Académie Nationale de Médecine émet les recommandations pratiques suivantes :
· A propos de l'inscription sur les listes
1. L'expert médecin, dans une affaire en responsabilité médicale, doit être de formation et expérience scientifique et/ou technique au moins égales à celles de ses pairs dans la spécialité concernée par l'avis demandé.
2. Lors de l'instruction du dossier d'un candidat à l'inscription sur une liste d'expert, la pratique de l'entretien avec un ou deux membres rapporteurs de la compagnie d'experts ou de la commission de la CNAMed (Commission nationale des accidents médicaux), choisis dans la même spécialité, doit être étendue.
3. La nomenclature des rubriques expertales doit être revue avec plus de précision et faire mention des sur-spécialités.
· A propos de la désignation de l'expert
1. Il faut développer la pratique des expertises collégiales dans les dossiers les plus difficiles du point de vue scientifique et technique.
2. La délocalisation de l'expertise est à privilégier chaque fois qu'il y a lieu d'éviter le risque d'une confraternité, voire d'un corporatisme local.
3. Le juge doit disposer de tous les moyens pour rechercher l'expert le plus en adéquation avec l'affaire en cause.
4. Le juge pourrait recourir à une audition de l'expert missionné en présence des parties
· A propos du déroulement de l'expertise
1. L'indépendance de l'expert doit faire l'objet d'un contrôle
2. Le respect du principe de la contradiction par l'expert est l'un des facteurs de contrôle de sa compétence et de la validité de l'expertise.
3. L'expert doit recevoir, automatiquement et non seulement sur sa demande, une copie des décisions de justice ou des avis des CRCI rendus au vu de son rapport.
L'Académie souligne donc la nécessité d'améliorer l'accréditation des experts médecins et de disposer d'une liste nationale d'experts accrédités commune à toutes les juridictions.
Académie Nationale de Médecine « Compétence scientifique et technique de l'expert
& qualité de l'expertise en responsabilité médicale » Rapport – Recommandations (visuel Vanderbilt)
Lire aussi : RESPONSABILITÉ MÉDICALE : Vers une mutualisation plus large ? –